C’est après un long périple qu’Arnold, Christian et Vincent ont atterri sur le tarmac brûlant de Ouagadougou un jour de fin novembre. Quand ils sont partis de chez eux, le mercure ne dépassait pas les 5 °C. Mais dans la capitale du Burkina Faso, les températures descendent à peine sous les 30 °C la nuit.
Vincent : « La journée de dimanche a donc été bien utile pour s’acclimater… et peaufiner l’atelier que nous venions animer sur le financement des acteurs des filières de l’oignon et du riz. Après une première visite de reconnaissance en mars, la Caisse Populaire de Kaya nous avait en effet invités à organiser un atelier de réflexion sur le sujet.
Pourquoi ces filières, vous demandez-vous sans doute ? Elles ont été sélectionnées parce qu’elles sont à la fois des cultures commerciales, c.-à-d. génératrices de revenus pour les agriculteurs, et des cultures vivrières. Et parce qu’elles contribuent aussi à la sécurité et à l’autosuffisance alimentaire de la population locale. Ces filières ne sont cependant pas encore suffisamment bien organisées et l’accès au financement leur est difficile… Il faut donc améliorer les choses !
En collaboration avec la Caisse Populaire, dont la mission est précisément d’offrir aux populations rurales un accès aux services financiers, nous allons analyser les différents facteurs clés à prendre en compte dans le développement de crédits adaptés aux besoins des acteurs de ces filières… et évaluer les points forts et les points faibles de la Caisse. »
Afin de rendre les échanges plus fructueux pendant l’atelier, une rencontre avec les représentants de l’association des producteurs d’oignons a été organisée le lundi. Ces derniers ont expliqué comment se déroulaient les cycles de production et ont aussi décrit les risques et les difficultés auxquels ils doivent faire face. Arnold et Christian, ingénieurs agronomes actifs dans le secteur agricole depuis 25 ans, étaient tout ouïe !
Vincent : « Les producteurs d’oignons nous ont invités à visiter leurs champs. À notre grande surprise, nous nous sommes retrouvés dans une oasis de verdure, alors que la saison des pluies était terminée depuis déjà deux mois et que nous n’avions vu que de la savane aride jusqu’alors. Et c’est aussi avec une pointe d’envie que j’ai pu admirer, à côté des champs d’oignons, de magnifiques poivrons, aubergines et autres tomates qui ont tellement de difficultés à pousser dans mon potager en Belgique. »
Vincent : « Enrichis de cette de visite sur le terrain, nous avons commencé l’atelier le mardi. Nous avons eu la chance de compter parmi les participants les représentants des différentes fonctions clés de la chaîne de l’octroi de crédit : du courtier de crédit au directeur de banque. Un représentant de notre partenaire Trias, une ONG qui soutient des groupements de producteurs de riz et d’oignons, était également présent en tant que porte-parole des producteurs. »
C’est fatigués mais très heureux de la confiance mutuelle établie et des points d’actions concrets déterminés ensemble que les membres de l’équipe ont clôturé l’atelier mercredi, avec une présentation des conclusions à la directrice des crédits de la délégation. La Caisse de Kaya fait en effet partie du RCPB, un réseau de microfinance plus large à l’échelle du Burkina Faso, qui compte partager l’expérience de la Caisse de Kaya avec l’ensemble de son réseau.
Le vendredi, Arnold, Christian et Vincent ont été accueillis à bras ouverts au siège de la Caisse de Kaya où les participants à l’atelier ont expliqué en détail comment fonctionne leur institution et quelles sont leurs tâches respectives. Arnold a même passé les premiers tests en mobylette pour devenir courtier en crédit !
Arnold : « Les banquiers du RCPB s’adressaient jusque là principalement aux employés et aux petits commerçants. Ceux-ci sont en effet en mesure de présenter leurs données salariales et divers autres chiffres, et le rendement de leur microcrédit est relativement simple à évaluer. Les fermiers, quant à eux, obtiennent beaucoup plus difficilement du financement, alors qu’ils sont très pauvres et ont un réel besoin en crédits pour travailler leur terre. Mais bien souvent, ils ne savent ni lire ni écrire et les chiffres relatifs à leurs investissements et bénéfices font défaut. Les IMF sont donc peu enclines à leur octroyer un emprunt. »
Christian : « Les IMF ont pour leur part également intérêt à tendre la main à ces fermiers. Dans le cas de la Caisse d’épargne et de crédit de Kaya, il s’agit même d’une nécessité. La concurrence des banques commerciales est très rude dans le segment des services financiers aux employés et vendeurs de rue. Mais : 80 % des Burkinabés sont agriculteurs. Cela représente un potentiel énorme ! »
Arnold : « C’est à la fois dans l’intérêt des fermiers et des IMF de faire un pas dans la direction de l’autre. Les agriculteurs doivent apprendre à lire et à calculer et recevoir une formation financière. Ils pourront ainsi présenter aux banques des chiffres sur leurs coûts et bénéfices attendus. Et les banquiers doivent mieux maîtriser et contrôler les risques liés aux crédits agricoles et apprendre à reconnaître quand un projet est réalisable ou pas. Les banques doivent embaucher des spécialistes en agriculture, car elles n’arriveront à dénicher des clients dans ce groupe cible que lorsque les banquiers et les fermiers se comprendront. »
Christian : « Avec plus de clients, les IMF pourront aussi réduire les coûts et répartir le risque. En plus, leurs liquidités augmenteront car un client recevant un crédit a plus vite tendance à placer son argent à la banque. La Caisse de Kaya a donc toutes les raisons de faire affaire avec les agriculteurs. »
Arnold : « La réaction des collaborateurs de notre partenaire était déjà très encourageante. Ils étaient infiniment reconnaissants. Ils nous ont dit qu’ils avaient beaucoup appris et qu’ils ne voulaient pas en rester là. Cela nous donne bien sûr envie d’y retourner. »
Christian : « Nous y retournerons sûrement. Cette collaboration est un projet à long terme. Si la Caisse de Kaya réussit à lancer des microcrédits pour les agriculteurs, l’initiative sera élargie à d’autres caisses de crédit du RCPB. Tant que nous pouvons apporter notre écot, je m’engage. Après tout, nous sommes humains ; nous avons envie d’aider les autres. »
Arnold : « En encourageant les banquiers de la Caisse de Kaya à investir dans le secteur de l’agriculture, nous avons créé la première étincelle. Maintenant nous devons entretenir la flamme ! »